Au Cra d’Hendaye, menace d’expulsion pour un réfugié politique depuis 2002

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Retenu au centre de rétention d’Hendaye, un Tchétchène vivant dans l’Etat français depuis 19 ans a fait la grève de la faim ce vendredi 5 mars. Après lui avoir retiré son statut de réfugié, l’Etat veut l’expulser vers la Russie, où il craint pour sa vie. La Cimade dénonce une procédure illégale.

146 personnes s'étaient portées volontaires pour prendre la place des migrants au centre de rétention d'Hendaye, le jour de sa réouverture le 3 avril. © Gaizka IROZ
Ramzan a fui la Russie durant la seconde guerre de Tchétchénie. © Gaizka IROZ

« La France veut m’expulser de manière illégale alors que j’ai de gros risques en cas de retour ». Ramzan*, réfugié politique d’origine tchétchène retenu depuis 21 jours au centre de rétention administrative (Cra) d’Hendaye, a voulu alerter la presse locale sur sa situation, ce vendredi 5 mars. Il a effectué une grève de la faim de 24 heures.

Réfugié dans l’Hexagone depuis dix-neuf ans après avoir fui l’horreur de la guerre, Ramzan s’est vu retirer son statut de réfugié « en 2019 ». Il y a trois semaines, il a été interpellé puis envoyé au Cra d’Hendaye suite à un contrôle d’identité alors qu’il rendait visite à une amie à Pau. « Comme je suis un réfugié politique, on ne peut pas m’expulser et me renvoyer dans mon pays natal. Ça fait dix-neuf ans que je suis en France, j’avais une carte de séjour et un visa. Je suis père de deux enfants, mes gosses sont français. J’avais mon appartement, j’étais bien. J’avais tout, tranquille » témoigne le quarantenaire, joint par téléphone.

Mais pour Julie Aufaure, permanente de la Cimade au Cra d’Hendaye, Ramzan « ne rentre vraiment pas dans les cases du retrait de statut de réfugié ». Elle explique que le retrait de ce statut est très encadré par la loi. « Il faut avoir commis un acte de terrorisme ou présenter une menace très grave à l’ordre public. C’est vrai que ce monsieur a fait un peu de prison, mais c’était des faits de délinquance d’outrage à l’égard d’un agent dépositaire de l’autorité publique ou liés aux stupéfiants, donc dans notre interprétation, les conditions pour le retrait de ce statut n’étaient pas toutes réunies ». De plus, selon Julie Aufaure, Ramzan « a un réel risque en cas de retour en Russie ».

Bataille juridique

Ramzan a pris un avocat et bataille aux côtés de la Cimade pour sauver sa situation. « Même si on lui a retiré son statut, il reste quand même sa qualité de réfugié », précise Julie Aufaure, qui constate une multiplication des procédures de retrait de statut de réfugié politique en particulier à l’encontre des Tchétchènes, depuis l’attentat qui a coûté la vie à l’enseignant Samuel Paty, perpétré par un homme d’origine tchétchène.

La Cimade a saisi d’un référé-liberté le tribunal administratif de Pau, mais sa demande a échoué. « Les tribunaux ne nous ont pas suivis. Ils sont assez frileux en ce moment » note Julie Aufaure. Prochaine étape : saisir le Conseil d’Etat et ensuite, la Cour européenne des droits de l’homme. « On a fait une demande d’avis à la CNDA [Cour nationale du droit d’asile], qui est une procédure qui date de 1952 et qu’on utilisait pour les prisonniers basques ! On est obligé de retomber là-dessus parce qu’on est sur des atteintes aux libertés qui sont graves. C’est notre dernier recours ». La demande au CNDA étant suspensive, toute la procédure est bloquée jusqu’au 17 mars. En cas d’échec, la préfecture a jusqu’au 16 avril pour expulser Ramzan.

* Le prénom a été changé.

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