Malgré plusieurs décisions de justice en sa faveur, un homme d’origine Tchétchène, installé depuis plusieurs années à Limoges, a été renvoyé dans son pays. Une décision inhumaine pour ses avocats, qui ont porté plainte contre le ministre de l’Intérieur et les préfets de la Haute-Vienne et de Paris.
Après l’expulsion d’un ressortissant tchétchène, depuis Limoges vers son pays d’origine, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmannin et les préfets de la Haute-Vienne et de Paris sont visés par une plainte pour mise en danger de la vie d’autrui. Les avocats de Magomed Gadaev estiment qu’il n’y avait aucune raison de le renvoyer et craignent pour sa vie, car cet opposant au pouvoir a été immédiatement emprisonné à son arrivée. L’avocat Maître Arnaud Toulouse était l’invité de France Bleu Limousin ce jeudi, pour faire le point sur cette affaire.
Une atteinte aux droits de l’homme
Pour Maître Toulouse, cette expulsion n’est « pas une erreur, mais un acte délibéré » qu’il condamne fermement. Il estime que son client fait les frais d’une politique d’exemplarité menée depuis six mois, suite à l’attentat de Conflans-Sainte-Honorine, qui a coûté la vie à l’enseignant Samuel Paty. « On est sur une volonté très claire d’expulser de façon systématique toutes les personnes qui ont une fiche S et qui n’ont pas encore obtenu le statut de réfugié en France. » Une décision appliquée sans discernement selon lui, alors que plusieurs décisions de justice s’opposaient au renvoi de Magomed Gadaev.
Une expulsion jugée illégale par la justice
L’avocat de ce père de cinq enfants, qui vivait à Limoges depuis huit ans, égrène la liste des recours en justice menés – et gagnés – en faveur de son client. En 2019, deux décisions du tribunal administratif de Limoges en 2019 annulent des décisions pour l’expulsion de Magomad Gadaev. Puis en mars dernier, _ »_la Cour Nationale du Droit d’Asile a expliqué que la France violerai la convention de Genève si elle exposait monsieur Gadaev à un risque de refoulement vers la Russie. »
Enfin, ce mercredi, le tribunal administratif de Paris a suspendu à son tour l’arrêté fixant la Russie comme pays de renvoi. Entre-temps, ce ressortissant Tchètchène a toutefois bel et bien été expulsé alors que sa famille est restée en France.
Fiché S mais pas dangereux ?
Magomed Gadaev, opposant au pouvoir tchétchène, a été « fiché S » et expulsé en raison de ses liens supposés avec la mouvance islamiste. Maître Arnaud Toulouse estime pour sa part qu’il n’a rien à se reprocher. « Il n’a jamais été condamné pour terrorisme en France. Les services de renseignement n’ont jamais eu la moindre chose concrète expliquant qu’il aurait quelque chose à voir avec la commission ou la préparation d’un attentat. »
L’avocat limougeaud dénonce donc un dossier vide, basé sur des suppositions. Il concède que Magomed Gadaev est un ancien révolutionnaire Tchétchène, musulman, qui s’est battu pour l’indépendance de son pays, contre le régime de Kadirov. Mais pour lui ça ne justifie pas qu’on le considère comme une menace pour la sécurité nationale de la France.
Une famille entière dans l’incertitude
Maître Arnaud Toulouse estime également que les choses se sont accélérées au moment où la famille Gadaev pouvait aussi avoir une chance d’obtenir le statut de réfugié en France. Il s’inquiète autant pour son client que pour sa femme et ses enfants restés en France. Ils sont pour leur part sous la menace d’une expulsion vers la Pologne, où ils ont déjà le statut de réfugiés. L’un de ces enfants, issu d’une précédente union, est lui toujours à Limoges où il se retrouve seul et sans aucun représentant légal en France, bien qu’il soit mineur.