Qui est Seda Izieva, Aurillacoise d’origine tchétchène et Prodige de la République dans le Cantal ?

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Qui est Seda Izieva, Aurillacoise d'origine tchétchène et Prodige de la République dans le Cantal ?
La jeune femme, Tchétchène, arrivée en France à 9 ans, multiplie les engagements dans le département. © Jérémie FULLERINGER

Pour la première édition des Prodiges de la République, le Cantal a sélectionné Seda Izieva, 25 ans. La jeune femme, Tchétchène, arrivée en France à 9 ans, multiplie les engagements dans le département.

Elle est discrète, Seda Izieva. Sourire naturel, le visage partiellement couvert par une petite frange, elle est de celles qui ne cherchent pas la lumière : « Au collège, j’étais du genre à ne pas lever la main parce que toute la classe se tournait vers moi et me regardait, se rappelle-t-elle. Quand j’avais la bonne réponse, la prof m’applaudissait, c’était encore pire… »

Et pourtant, elle vient de se retrouver mise sous les projecteurs, d’un coup. Pour la première fois, le Cantal a été invité à sélectionner un « Prodige de la République ».

Une personne engagée auprès des autres

Derrière ce terme, Marlène Schiappa, ministre déléguée à la Citoyenneté, souhaitait récompenser, dans chaque département, une personne engagée auprès des autres. Le nom de Seda Izieva a été proposé par sa collègue au sein de l’Union départementale des sapeurs-pompiers, Stéphanie Fourcat. La jeune femme, 25 ans, a été choisie par un jury présidé par le préfet Serge Castel pour représenter la citoyenneté dans le Cantal, parmi treize candidats.

Les treize lauréats sont : William Perks, Manon Blanchard, Céline Maury, Alison Delfour, Justine Cassan, Zekroullah Rajabi, Marine Tronche, Seda Izieva, Angélique Ramade, Melvin Sabatier, Emilien Cantournet, Thomas Missiel.

« Seda Izieva, par son implication citoyenne dans la société, s’inscrit particulièrement dans le cadre de l’opération « Prodiges de la République », qui vise à valoriser les jeunes qui se distinguent par leur élan de solidarité en faveur du vivre ensemble. indique le préfet. Par sa volonté de partager et son engagement citoyen, elle a joué un rôle majeur d’accompagnement au quotidien, et plus largement favorisé le lien social et perpétué les valeurs de la République »

« Je n’y croyais pas quand je l’ai su, sourit-elle. Et puis je me suis dit qu’avec les 500 €, j’allais pouvoir aider mon association… »

L’histoire de Seda Izieva démarre loin, très loin du volcan, en Tchétchénie, pays en guerre. Elle a alors 9 ans, et ses parents fuient le conflit. « Ils ont décidé de nous mettre en sécurité, raconte-t-elle, dans un français impeccable. Notre maison a été explosée, on n’avait plus rien. On a juste eu le temps de s’enfuir avant de voir arriver les chars et les soldats. » Un homme les ramène en France, ce sera Aurillac, tout de suite, près de l’hôpital. La famille est restée : les deux parents, Seda, ses deux sœurs et son grand frère vivent encore aujourd’hui dans la ville qui les a accueillis.

Vient ensuite le temps de l’accueil, de l’intégration. Le Cada (Centre d’accueil de demandeurs d’asile) fournit une aide pour toute la partie administrative, alourdie par la perte de toutes leurs affaires en Tchétchénie. Seda Izieva découvre les salles de classe, s’adapte à la sécurité d’un pays qui n’est pas en guerre,

J’ai eu tout un stress avec l’école, je n’osais pas trop m’ouvrir, je ne savais pas ce que je pouvais dire ou ne pas dire, j’avais l’habitude de faire attention. Au début, quand un hélicoptère nous survolait, j’étais terrifiée, les feux d’artifice me faisaient peur.

En service civique chez les sapeurs-pompiers

Mais l’adaptation se fait. L’écolière met les bouchées doubles, avec deux programmes distincts : un classique, un autre pour rattraper les autres élèves. Le français est vite appris et elle est même première de sa classe au collège.
Et, avant de se lancer dans le monde du travail, cette décision de faire un service civique, chez les pompiers. Une activité qu’elle cumule avec d’autres engagements : elle est devenue une des traductrices de la communauté tchétchène aurillacoise. « Quand on est arrivé, une famille nous a aidée. Alors quand une nouvelle famille arrive, je suis là pour les rendez-vous. Je sais quelle est la difficulté, je sais qu’on a besoin d’aide dans ces moments-là ».

Et, depuis le mois d’octobre, elle est au bureau de l’association « Les incomprises », qui aide à la prise en charge des femmes victimes de violences conjugales ; c’est cette association qui recevra les 500 € de récompense promis aux Prodiges de la République. Derrière, un fil d’ariane, ténu.

Je déteste la violence. J’en ai vu ici, et j’en ai vu au pays. Si je pouvais enlever toute la violence, je le ferai.

Elle se souvient ainsi de cet épisode, chez elle : il y a du bruit dans l’appartement du dessus, elle soupçonne des violences. La police est prévenue, mais quand elle arrive, le bruit cesse, bien sûr… puis repart de plus belle. « J’ai dit à mon frère : “Cette fois, moi, je monte !” Quand on a sonné, personne ne répondait et quand on est entré, le mari lançait une chaise sur la femme. Elle voulait qu’il parte du logement, alors on est resté jusqu’à ce qu’il le fasse. » Aujourd’hui, avec l’association, « j’aurais pu proposer un hébergement d’urgence… » 

Elle souhaite obtenir la nationalité française

Aujourd’hui, elle prépare un dossier pour acquérir la nationalité française. Alors cette distinction, dans le pays qui l’a accueillie, « cela me fait plaisir. Quand Stéphanie Fourcat a déposé le dossier, j’étais pessimiste, je ne pensais pas être sélectionnée. »

J’aide les autres, mais je trouve ça normal, je pense que tout le monde devrait faire ça ! 

Sans revendication, elle note aussi qu’à travers elle, c’est la communauté tchétchène d’Aurillac qui est mise en lumière. Elle n’a pas nécessairement bonne réputation. « Parfois, quand on me demande mon origine, je réponds que ce n’est pas très important. Les gens ont tendance à mettre tout le monde dans le même panier, regrette-t-elle. Cela arrive que l’on me dise : “Avant de te rencontrer, je ne pensais pas que les Tchétchènes étaient comme ça…” » Et voila quelques idées reçues qui pourraient voler en éclats : Seda Izieva est désormais Prodige de la République.

Pierre Chambaud

lamontagne.fr