Des défenseurs des droits humains de divers pays s’efforcent d’obtenir la libération de Selima Hadissova, une Tchétchène de 33 ans arrêtée en Bosnie-Herzégovine le 29 septembre. Elle avait atterri à Sarajevo en provenance d’Istanbul avec ses trois jeunes enfants. Après son arrestation, ses enfants ont été placés dans un centre pour migrants tandis qu’elle-même a été envoyée en prison dans la ville de Tuzla. Elle risque actuellement une extradition vers la Russie à la demande d’Interpol.
Selon une demande provenant de Moscou (en possession de la rédaction), Hadissova aurait quitté la Russie en 2015 pour se rendre en Syrie, où elle aurait été formée dans un camp de terroristes, avant de rejoindre l’État islamique en tant que mercenaire étrangère et de participer à des combats. Hadissova nie fermement ces accusations, affirmant avoir vécu en Turquie de 2015 à 2024 et ne s’être jamais rendue en Syrie.
La rédaction de Caucase.Reality a adressé des demandes officielles à l’Agence des affaires étrangères et au ministère des Affaires étrangères de Bosnie-Herzégovine pour obtenir des commentaires sur le cas de cette ressortissante tchétchène. À la date de publication de cet article, aucune réponse n’avait été reçue. Le ministère de la Sécurité refuse de divulguer des informations sur le cas de Hadissova, invoquant des dispositions légales. Selon les lois du pays, elle peut être détenue jusqu’au 7 novembre, sauf si la question de son extradition est réglée avant cette date.
Procédure judiciaire et demande d’asile
Le premier tribunal a maintenu Hadissova en détention malgré les demandes de sa défense de la libérer pour qu’elle puisse rester avec ses enfants, a rapporté Tea Pokrajcic, coordinatrice de l’organisation Human Rights House à Banja Luka. Hadissova a déposé une demande d’asile pour éviter l’extradition.
Selon Pokrajcic, la loi bosniaque sur l’entraide judiciaire en matière pénale stipule qu’une personne demandant l’asile ne peut être extradée tant que sa procédure est en cours. Le pays requérant l’extradition peut être invité à transmettre les poursuites pénales à la Bosnie-Herzégovine.
Cependant, Hadissova n’a vu ses enfants que deux fois en un mois. Le centre où ils sont placés est éloigné de la prison, et après trois heures de route, ils n’ont pu la voir que pendant 15 minutes, séparés par une vitre épaisse et en communiquant par téléphone.
« Un dossier typique »
Hadissova prépare également une plainte auprès d’Interpol avec l’aide d’Amina Larsson, représentante de l’organisation suédoise Wajfond. Larsson qualifie le cas de Selima de « dossier typique ».
« Les gens quittent la Russie pour diverses raisons, souvent pour la Turquie. Mais la Russie, profitant de la frontière commune entre la Turquie et la Syrie, les inscrit sur la liste d’Interpol en les accusant de terrorisme », explique-t-elle.
Selon Larsson, les garanties russes concernant le respect des droits des détenus sont peu fiables, mais les tribunaux européens continuent de leur accorder du crédit. « Obtenir la radiation d’Interpol est une procédure longue, et cela ne peut empêcher l’extradition immédiate. Actuellement, le sort de Hadissova est entre les mains de la justice bosniaque et de son agence migratoire, dans un contexte où les violations des droits humains sont fréquentes », ajoute Larsson.
Violence domestique et faux passeport
Hadissova évoque les violences subies dans son premier mariage, la séparation brutale avec ses enfants, et le vol de ses papiers à Istanbul. Elle affirme avoir obtenu un nouveau passeport via une entreprise locale pour éviter le consulat russe, mais ce document s’est avéré falsifié.
Sa sœur Pétimat confirme les violences conjugales subies par Selima et souligne qu’en Russie, elle serait confrontée à des conditions insupportables, sans logement ni soutien, avec le risque de voir ses enfants lui être retirés.
Une situation alarmante pour les femmes du Caucase
Pour Tea Pokrajcic, le cas de Selima illustre les dangers pour les femmes du Caucase du Nord qui fuient des environnements violents. « Les accusations fabriquées sont une méthode systématique pour les forcer à retourner dans un contexte où les violences domestiques sont normalisées et soutenues par les autorités locales. Ces femmes, et leurs enfants, sont en grand danger. »
- Amnesty International a appelé les pays de l’Union européenne à ne pas extrader vers la Russie les réfugiés originaires du Caucase du Nord. Selon les défenseurs des droits humains, ces personnes risquent sur place des tortures, des mauvais traitements ou encore d’être envoyées combattre en Ukraine. Le nombre de personnes expulsées a récemment augmenté : le site Caucase.Reality a enquêté pour comprendre pourquoi les demandeurs d’asile sont remis aux autorités russes et quelles sont les conséquences pour eux.
- En Autriche, un tribunal a ordonné le transfert en hôpital de Jabrail Musikhanov, un Tchétchène arrêté à la demande de la Russie. Son avocat s’efforce d’obtenir la levée de sa détention préventive, imposée en raison d’un mandat d’arrêt russe pour des accusations de « terrorisme ».
- Amina Guerikhanova, une réfugiée tchétchène arrêtée en 2022 en Roumanie, a raconté dans une interview à Caucase.Reality les tentatives des forces de sécurité de la présenter comme une « kamikaze », les conditions de sa détention et les risques d’une éventuelle extradition vers la Russie.
7 novembre 2024