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L’assaut sur Grozny a eu lieu le 26 novembre 1994. Avec le soutien tacite de Moscou, l’opposition tchéchène (Le Conseil Provisoire) a tenté de s’emparer de la capitale de la république et de faire tomber le président Djokhar Doudaïev. Les militaires russes recrutés par le Service Fédérale de Contre-espionnage (actuellement le Service Fédérale de Sécurité) participaient à cette opération. L’assaut échoué, le 29 novembre le Conseil de Sécurité de la Russie a décidé d’entreprendre une campagne militaire en Tchétchénie.
Source: https://www.kavkaz-uzel.eu/articles/253148/
© Kavkazski ouzél (Le nœud caucasien)
Contexte
Le Conseil Provisoire de la République Tchétchène (CPRT), qui réunissait les forces opposées à Djokhar Doudaïev, le premier président de la Tchétchénie indépendante, a été établi le 16 décembre 1993. Oumar Avtourkhanov, le maire de la région Nadtérétchny, qui avait refusé d’obéir à Doudaïev, a été élu président du Conseil Provisoire.
Au début de l’été de 1994, il y avait des affrontements entre les partisans et les adversaires de D.Doudaïev. En même temps, avec le soutien des forces russes on préparait le renversement du régime Doudaïev dans les régions et localités pas contrôlées par ses partisans, telles que Znamenskoïe, Tolstoï-Yourt et Ourus-Martane, (on organisait « l ‘opposition », formait des groupes armés).
À Moscou, les représentants de l’opposition pouvaient bien dire qu’ils avaient quinze cents combattants, ce qui dépassait le nombre actuel au moins trois fois. Pourtant, ils recevaient l’équipement, les armes, les munitions, les rations de combat et l’argent pour 1500 personnes.
D’après Rouslan Khasboulatov, le président du Conseil Suprême de la Russie dissolu en 1993, c’est au moyen d’un conflit militaire en Tchétchénie que Eltsine voulait renforcer ses positions après ses plusieurs échecs politiques en Russie.
Préparation de l’assaut
Les détachements de l’opposition comprenait des tankistes, de l’infanterie motorisée composée des parties de l’armée russe: des officiers, des aspirants rengagés, des sergents et des militaires du rang.
Moscou était secrètement impliqué dans la préparation de la révolte contre Doudaïev. Notamment, dans la Service Fédérale de Contre-espionnage (FSK) de la Fédération de Russie, le département de la lutte contre le terrorisme s’occupait de la question des Tchétchènes. À Grozny, on n’arrêtait pas de dire que la FSK de la Russie intervenait toujours dans les affaires internes de la Tchétchénie; les officiels de Moscou niaient toutes ces allégations. Pourtant, la service secret du RTI a capturé le colonel de la FSK Stanislav Krylov, qui participait à l’opération, le 25 août 1994 en Tchétchénie.
Dans les régions voisines de la Tchétchénie les russes rassemblaient leurs troupes.
D’après l’instructeur de l’un des détachements de l’opposition tchétchène, qui a voulu rester anonyme, la livraison de l’équipement et des munitions à l’opposition tchétchène a commencé en septembre 1994. Plus précisément, l’opposition a reçu des missiles surface-air « Igla », des BTR-80 et quelques pièces anti-aériennes. Les chars sont aussi venus de la 131ème équipe de l’infanterie motorisée de Maïkop1.
Le 17 septembre 1994, les détachements des partisans de D. Doudaïev ont entouré le village de Tolstoï-Yourt. Quelques jours plus tard, le 20 septembre 1994, Ou. Avtorkhanov a déclaré qu’il n’y avait guère de solutions paisibles pour le problème tchétchène et que le Conseil Provisoire avait tout le droit «de donner un tel coup au régime de Doudaïev qu’il tombe».
En octobre 1994, en fonction des instructions du président de la Russie, B.Eltsine, le ministre de la Défense, P.Gratchiov, a ordonné de former un groupement opérationnel sur la Tchétchénie dans la Direction opérationnelle principale de l’état-major général. Ce groupement devrait élaborer des scénarios en cas de l’usage de la force en Tchétchénie, y compris l’envoi des troupes et des actions militaires ; ainsi que coordonner les actions de l’armée, du ministère de l’Intérieur, de la FSK et des troupes des frontières pendant la planification et préparation de l’envahissement.
En octobre 1994, un détachement de l’opposition tchétchène de 120 personnes sous la direction des officiers du 33ème régiment de l’infanterie motorisée a accompli un cours de formation de quatre semaines sur le polygone « Proudboï » du 8ème corps d’armée de Volgograd.2
En novembre 1994, le centre fédéral a intensifié son soutien militaire pour l’opposition tchétchène anti-Doudaïev, en passant du soutien financier à la fourniture des armes lourdes avec équipages.3
Les détachements de l’opposition ont aussi reçu 6 hélicoptères avec équipages de 3 personnes. La FSK recrutait des pilotes dans la région militaire du Caucase du Nord.4
Le 17 novembre 1994, le Conseil Provisoire de la République tchétchène a commencé les préparatifs pour la dernière offensive sur Grozny. Un grand groupe d’officiers dirigé par M. P. Kolesnikov est arrivé de Moscou à Mozdok. G. N. Joukov, officier adjoint du 8ème corps d’armée de Volgograd, a été commissionné pour gérer les activités sur le champ de bataille.5
Assaut
Le 26 novembre 1994, les forces anti-Doudaïev ont lancé un assaut sur Grozny. Très tôt le matin, les groupes militaires, qui avaient entouré Grozny la veille, ont lancé une attaque du nord et nord-est de la ville. À 9 heures, six chars blindés T-72 de l’opposition ont attaqué le palais présidentiel. Il n’y avait que les gardiens du palais présidentiel dans le bâtiment, et les snipers de Doudaïev se trouvaient sur les toits des maisons voisines. Dans le reste de la ville, les combats avec l’utilisation des véhicules blindés ont continué. Selon ITAR-TASS, à 18 heures, l’opposition a maîtrisé tous les points clés de Grozny, notamment les bâtiments du ministère de l’Intérieur, du département de la Sécurité de l’État et de la télévision.6
Environ 1200 personnes ont participé à l’assaut, y compris les militaires russes recrutés par le Service Fédérale de Contre-espionnage, une quarantaine de chars T-72 envoyé à l’opposition de la région militaire du Caucase du Nord, et 10 véhicules blindés.7
Le 26 novembre au soir, les chars de l’opposition se sont retrouvés sous le feu des lance-grenades.
Les forces de l’opposition ont réussi à retirer 18 chars sur 40 de la ville.8Au moins six militaires russes ont perdu leurs vies, et des dizaines des militaires ont été capturés9 . Il s’est avéré que ils étaient tous militaires russes10.
Destin des prisonniers
À partir du 27 novembre à Grozny, des prisonniers qui avouaient être des militaires russes recrutés dans le cadre d’un contrat avec la FSK ont été exposés aux journalistes de TV. Il est certain que 21 tankistes russes se sont fait capturer, notamment sept soldats et sergents conscrits, un adjudant-chef, sept lieutenants et lieutenants-chefs, cinq capitaines et un commandant. Plus tard, 20 prisonniers ont été renvoyés, et le lieutenant Alexandre Naliotov a été fusillé dans le département de la Sécurité Nationale de la Tchétchénie.11Tout le monde a renié et abandonné ces 82 militaires.
« Tout le monde a renié et abandonné ces 82 militaires »
Le 28 novembre 1994, le ministre de la Défense de la Russie, P. Gratchiov, a publiquement nié la participation de ses subordonnés à l’assaut, qualifiant cette version de « déconnage ». Des représentants du ministère de l’Intérieur et ceux de la FSK ont également nié toute implication dans les événements à Grozny.12
« Tout le monde a renié et abandonné ces 82 militaires. Alors que 21 personnes sont restées en vie et personne ne savait rien sur le sort des 61 autres », se souvenait Ivan Rybkine, président de la Douma de la première convocation.13
Dans la nuit du 29 novembre, l’ «appel du président de la Fédération de Russie aux participants au conflit armé en République tchétchène» déclarant qu’«on n’a pas réussi à régler le conflit intérieur en Tchétchénie» a été publié. Les participants de ce conflit ont reçu l’ultimatum suivant : ils devaient « arrêter le feu, déposer les armes, dissoudre toutes les formations militaires, libérer tous les citoyens capturés et détenus de force» dans les 48 heures.
Le 29 novembre 1994, Doudaïev a déclaré que si Moscou ne reconnaissait pas les prisonniers, ils seraient fusillés.
Le 1 décembre, les autorités russes ont déclaré au nom du président de la Russie que les pouvoirs compétents prendraient « toutes les mesures nécessaires » pour sauver les « soldats russes ». Pourtant, le ministère de la Défense de le Russie a envoyé à la Douma d’État une lettre affirmant que les personnes capturées en Tchétchénie n’étaient pas dans l’armée russe.
Les 1 et 3 décembre, des représentants des factions « Vybor Rossiï » et « Iabloko » de la Douma d’État de la Russie ont mené des négociations avec D. Doudaïev. Les parties se sont entendues au sujet de la libération des prisonniers. Les députés ont emmené deux prisonniers libérés à Moscou. À Grozny, les députés ont vu des avions bombarder la ville.
Le 2 décembre, le journal « Izvestia » a publié un article citant des documents qui prouvaient le recrutement des soldats capturés à Grozny par la FSK russe; celle-ci a été obligé d’admettre son implication dans cette opération.
Les 3 et 6 décembre, un groupe de députés du Parti libéral-démocrate de Russie de la Douma d’État, dirigé par E.Loguinov, est arrivé à Grozny. À la suite de la visite, les autorités du RTI ont libéré deux autres prisonniers.
La veille, le 5 décembre, après l’annonce de l’opération militaire prévue, les députés des factions démocratiques de la Douma d’État de la Russie sont venus à Grozny (S.Youchénkov, G.Iavlinski et d’autres). En essayant d’empêcher l’assaut sur la ville, ils ont proposé à D. Doudaïev de rester eux-mêmes à Grozny en échange de la libération des prisonniers. Cette proposition n’a pas été acceptée, et le 7 décembre, les députés ont reçu sept autres prisonniers.
Le 8 décembre à Grozny, D. Doudaïev a remis sept militaires au représentant plénipotentiaire du ministre russe de la Défense, I. Tchige. I y restait encore d’autres prisonniers, dont l’un était gravement blessé.
Conséquences
Le 29 novembre, le Conseil de Sécurité de la Russie a décidé de conduire une campagne militaire contre la Tchétchénie. B. Eltsine a mis un ultimatum, selon lequel « il était nécessaire de mettre fin à ce bain de sang en Tchétchénie, sinon la Russie serait obligée de « prendre des mesures extrêmes ».
Le 11 décembre, le Président de la Russie a signé le décret no. 2169 sur « les mesures visant à assurer la légalité, l’ordre juridique et la sécurité publique sur le territoire de la République tchétchène ». Des troupes du ministère de la Défense et de celui de l’Intérieur sont entrés sur le territoire de la Tchétchénie.14
Sources
- 10ème anniversaire de l’assaut déshonorant sur Grozny // Utro.ru, 26.11.2004. ↑
- La chronique du conflit armé // Mémorial. ↑
- «Parade des planètes». L’assaut de novembre sur Grozny : préparation et execution // Polit.ru, 29.11.2004. ↑
- 10ème anniversaire de l’assaut déshonorant sur Grozny // Utro.ru, 26.11.2004. ↑
- La chronique du conflit armé // Mémorial. ↑
- Leçons de la Tchétchénie // Nézavissimaïa gaséta, 26.11.1999. ↑
- L’assaut qui n’a pas existé // Radio Svoboda, 17.10.2014; 10ème anniversaire de l’assaut déshonorant sur Grozny // Utro.ru, 26.11.2004. ↑
- 10ème anniversaire de l’assaut déshonorant sur Grozny // Utro.ru, 26.11.2004. ↑
- L’assaut qui n’a pas existé // Radio Svoboda, 17.10.2014. ↑
- «Parade des planètes». L’assaut de novembre sur Grozny : préparation et execution // Polit.ru, 29.11.2004. ↑
- L’assaut qui n’a pas existé // Radio Svoboda, 17.10.2014. ↑
- Alexandre Tcherkassov. Les trahis // Polit.ru, 03.12.2004. ↑
- L’assaut qui n’a pas existé // Radio Svoboda, 17.10.2014. ↑
- La chronique du conflit armé // Mémorial. ↑
Всегда врали бессовестно