Rapport spécial de l’ONU par Mariana Katzarova sur les droits de l’homme en Russie
«Depuis le début de l’invasion à grande échelle de l’Ukraine en février 2022, la torture est devenue un outil de persécution systématique. L’État utilise cet outil pour contrôler la société, réprimer la dissidence, et porter atteinte aux fondements des droits de l’homme et à l’espace pour les activités civiles en Russie.»
L’ampleur réelle de la torture est inconnue, car les victimes subissent des pressions pour qu’elles retirent leurs plaintes. Néanmoins, Mariana Katzarova a recueilli de nombreux exemples montrant l’application de la torture en Russie et l’inefficacité de la réaction des autorités russes face aux plaintes.
Nous publions les points principaux du rapport, avec quelques exemples cités par la rapporteuse spéciale de l’ONU.
Lacunes législatives
Il n’existe pas d’article distinct dans le code pénal russe prévoyant une responsabilité pénale pour la torture. Même lorsque des cas de torture ou de mauvais traitements atteignent les tribunaux, les peines infligées sont disproportionnées par rapport à la gravité du crime, avec des amendes ou des peines avec sursis.
L’article 302 du Code pénal interdit les menaces, la force ou d’autres méthodes de coercition pour obtenir des témoignages lors d’enquêtes ou de procès. Pourtant, les tribunaux acceptent souvent ces aveux forcés comme preuves, surtout dans les affaires antiterroristes ou anti-guerre. En 2023, au moins 22 cas ont été enregistrés.
Mariana Katzarova :
«Les tribunaux ignorent régulièrement les rapports fondés de torture, prenant le parti des criminels plutôt que de la justice. Cette impunité généralisée a normalisé la torture en Russie, où la violence est perçue comme admissible, voire encouragée. Cela s’est manifesté après l’attentat à Moscou en mars 2024, lorsque des suspects torturés ont été montrés à la télévision d’État.»
Les défenseurs des droits humains ont analysé 267 cas de torture et de mauvais traitements entre 2000 et 2023. Dans seulement 21 % des cas, des poursuites pénales ont été engagées, principalement lorsque la victime avait subi de graves blessures ou avait perdu la vie.
Risques pour les victimes
Signaler la torture représente toujours un risque considérable en Russie, qui manque de mécanismes de protection pour les victimes et les témoins.
Où se pratiquent les tortures
La torture et les autres violations des droits humains sont courantes dans les lieux de détention, tels que les postes de police, les centres de détention provisoire, les établissements pénitentiaires, les centres de rétention pour migrants, les établissements médicaux et les bases militaires relevant de divers ministères et services fédéraux.
Catégories de personnes torturées
- Détenus politiques : La torture est un moyen de punir et d’intimider les détenus politiques et les militants anti-guerre.
- Mobilisés et soldats : Depuis la mobilisation partielle en septembre 2022, les commandants de l’armée russe recourent à la torture et aux mauvais traitements contre ceux qui refusent de se battre.
- Femmes et filles : Les violences de genre restent impunies en raison de lacunes juridiques et de la tolérance de l’État.
- LGBT+ : Les personnes LGBT+ subissent des persécutions, en particulier en Tchétchénie, où elles sont enlevées, torturées et parfois incitées à être tuées par des membres de leur famille pour « laver l’honneur ».
Recommandations de la rapporteuse spéciale
La rapporteuse propose des mesures pour mettre fin à la torture en Russie, comme criminaliser la torture en tant que crime distinct, garantir la protection des victimes et la transparence dans les lieux de détention.
Le Centre «Mémorial» ajoute : «Bien que la Constitution russe interdise la torture, elle reste systématiquement pratiquée. Ce rapport servira de preuve pour demander justice pour les victimes.»
6 novembre 2024