La Cour européenne des droits de l’homme a rendu deux arrêts, mardi 30 août, dans lesquels elle estime que la France a violé la Convention européenne des droits de l’homme en les exposant à la torture et à des traitements inhumains et dégradants.
La France a été condamnée, mardi 30 août, pour avoir expulsé ou voulu expulser deux ressortissants tchétchènes en Russie, en violation de la Convention européenne des droits de l’homme. Alors que le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, semble décidé à faire du renforcement des expulsions d’étrangers un marqueur fort de son action place Beauvau et le cœur d’un projet de loi annoncé pour l’automne, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a rendu deux arrêts dans lesquels elle estime que la France a violé l’article 3 de la convention européenne des droits de l’homme qui interdit aux Etats de pratiquer la torture, ou de soumettre une personne relevant de leur juridiction à des peines ou à des traitements inhumains ou dégradants.
Ces condamnations sonnent comme un rappel des lignes rouges qui prévalent en matière d’expulsion. « On ne peut pas éloigner des personnes uniquement parce qu’on considère qu’elles sont dangereuses ou qu’elles tiennent des propos qui ne nous plaisent pas, souligne Nicolas Hervieu, chargé d’enseignements à Sciences Po et juriste spécialiste en droit européen des droits de l’homme. Elles restent des êtres humains qui ne peuvent dans aucune circonstance risquer des atteintes à leur vie ou des traitements inhumains et dégradants. Ce n’est pas parce qu’on est un terroriste ou un criminel qu’on peut être torturé ou tué. C’est aux valeurs fondamentales de nos Etats de droit qu’on touche ici. »
« Liens avec une organisation terroriste »
En l’espèce, les arrêts de la CEDH du 30 août renvoient à l’expulsion de deux ressortissants russes d’origine tchétchène. Le premier avait notamment été condamné en 2014 pour des faits de menace sur personne dépositaire de l’autorité publique et pour des faits de vol en réunion, puis à six ans de prison en 2017 pour participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un acte terroriste. Il a été expulsé vers la Russie en novembre 2020, après s’être vu retirer son statut de réfugié et aurait été placé en détention quelques jours après.
Le second requérant (qui n’a finalement pas été renvoyé) avait lui aussi perdu son statut de réfugié après avoir été contrôlé en possession d’un passeport russe en 2014 et le ministère de l’intérieur avait engagé en 2020 son expulsion en raison de son rôle dans la mouvance islamiste radicale en France. La cour européenne a estimé que son renvoi vers la Russie l’exposerait à un risque réel de se voir infliger des tortures compte tenu notamment de « son passé de combattant au sein d’une organisation terroriste tchétchène, ainsi que son engagement au profit du jihad international ».
« La protection offerte par l’article 3 de la Convention présente un caractère absolu. Il ne souffre nulle dérogation, même en cas de danger public menaçant la vie de la nation. Il en est de même y compris dans l’hypothèse, où comme en l’espèce, le requérant a eu des liens avec une organisation terroriste », a argumenté dans son arrêt la CEDH.