Non intégrés officiellement à l’armée ukrainienne, ces Tchétchènes sont très appréciés de la population locale
20 Minutes avec AFP
Publié le 20/06/22
En 2014, l’Ukraine a vu naître le bataillon Cheikh Mansour, fondé après l’annexion de la Crimée, et composé principalement de vétérans des guerres de Tchétchénie. Le groupe a été baptisé du nom d’un commandant militaire tchétchène contre l’expansion russe dans le Caucase au 18e siècle, histoire de rappeler que la soif d’indépendance de son peuple ne datait pas d’hier.
Ils seraient quelques centaines de ces vétérans, crânes rasés et barbes longues, à avoir convergé volontairement vers l’Ukraine depuis le début de l’invasion russe le 24 février dernier, afin de prêter main-forte à Kiev et combattre Moscou.
D’autres Tchétchènes, fidèles eux au Kremlin
Non intégrés officiellement à l’armée ukrainienne, ces Tchétchènes sont équipés avec le matériel récupéré à l’ennemi. Ils sont nourris par la population locale, majoritairement orthodoxe, qui semble plutôt les voir d’un bon œil. Mais combien sont-ils exactement ? Et où sont-ils positionnés ? Les membres du bataillon Cheikh Mansour ne souhaitent pas le dire ni révéler leur identité exacte, pour protéger leurs proches, restés en Tchétchénie, des représailles.
Car juste de l’autre côté de la ligne de front se trouvent d’autres Tchétchènes, fidèles eux au Kremlin et embrigadés dans des commandos de « Kadyrovtsy ». Ces milices de sinistre réputation sont déployées aux côtés de l’armée russe. On parle de 8.000 hommes, un chiffre invérifiable. « Nous voulons montrer que tous les Tchétchènes ne sont pas comme eux, mais que nous sommes nombreux à voir les Russes comme des agresseurs et des occupants. J’ai décidé de rejoindre le bataillon pour laver l’honneur des Tchétchènes que Moscou tente de faire passer pour des terroristes », détaille Islam, dissident de 33 ans réfugié en Pologne.
Pour les membres de la milice, la guerre en Ukraine a un air de déjà-vu. « C’est comme un voyage dans le passé, une continuation de ce qui a commencé dans le Caucase », confie encore Islam. La capitale tchétchène, Grozny, a subi le même sort que Marioupol, écrasée sous les bombes russes, il y a plus de deux décennies.
La Tchétchénie, petite république a majorité musulmane, a été ravagée par deux guerres meurtrières. La dernière, déclenchée par Vladimir Poutine en 1999, a abouti à la mise en place à sa tête en 2007 du redoutable Ramzan Kadyrov, accusé de réprimer ses détracteurs. En conséquence, une diaspora tchétchène, estimée à 250.000 personnes, s’est formée en Europe, en Turquie et aux Emirats arabes unis.
« Le regard porté sur nous par le gouvernement a changé »
De nombreux Tchétchènes résidant en Europe ayant rejoint les rangs de l’organisation de l’Etat islamique par le passé, les autorités ukrainiennes sont longtemps restées sceptiques face à ces soutiens. Certains ont été placés sur une liste de sanctions pour terrorisme par des éléments prorusses du pouvoir, parce qu’ils sont recherchés par Interpol à la demande de Moscou.
« Mais tout cela c’était avant l’invasion et désormais le regard porté sur nous par le gouvernement a changé », estime Islam. Au point que des chrétiens combattent aussi dans le bataillon, vu maintenant comme un « allié » et que certains Ukrainiens préfèrent s’y intégrer plutôt que de rejoindre les rangs de l’armée.